Explorer
Les pierres tombales du Titanic
Barrie Clarke, Ph. D., Département des sciences de la Terre, Université Dalhousie (Halifax)
Randall Miller, Ph. D., Conservateur de recherche – Géologie et paléontologie, Musée du Nouveau-Brunswick
MILLER
Barrie, j’aimerais en savoir plus sur le travail que vous faites, sur la raison pour laquelle vous vous intéressez à certains de ces gabbros et sur leur rapport avec le Titanic.
CLARKE
Et bien, cette histoire a commencé il y a une quinzaine d’années, quand le film de James Cameron est sorti... le film sur le Titanic, bien entendu. Tout à coup, la Ville d’Halifax s’est rendu compte qu’elle avait une attraction touristique majeure, puisque 150 victimes du naufrage du Titanic sont enterrées à Halifax. La municipalité s’est dit qu’elle avait intérêt à donner un coup de neuf aux sépultures. Certaines pierres tombales étaient abîmées. Elles avaient... Elles avaient été exposées aux éléments pendant 90 ans et elles étaient endommagées. Quelqu’un, un membre de l’équipe chargée des travaux, a dit : « Bon, on n’a qu’à remplacer la pierre. » Et quelqu’un d’autre a répondu : « D’accord, d’où est-ce qu’elle vient? » C’est la question à laquelle nous essayons de répondre depuis quinze ans.
C’est comme ça qu’un morceau d’une pierre endommagée est arrivé jusqu’à moi. « D’où vient cette pierre? », m’a-t-on demandé. J’ai répondu que je n’en savais rien. J’avais des idées, mais je me trompais. Mes premières impressions ne se sont pas confirmées et je ne sais toujours pas si j’ai raison maintenant, mais je commence à m’intéresser de très près aux granits noirs du sud-ouest du Nouveau-Brunswick.
MILLER
Vous avez donc là un spécimen de la collection du Musée du Nouveau-Brunswick qui a été récolté près de Bocabec ou dans la région de St. George. Il ressemble au gabbro qui...
CLARKE
Oui, il lui ressemble. Ceci est un des nombreux échantillons de granits noirs qui viennent de la région de St. George-St. Stephen au Nouveau-Brunswick, et c’est intéressant parce qu’il a été donné au musée vers la fin 1912 ou le début 1913, juste après la taille des pierres tombales pour Halifax. Cela est assez... assez intéressant et, quand je regarde la texture de cette roche – et c’est un des éléments qui me permettent de me faire une opinion –, je dirais que cette roche ressemble beaucoup aux pierres tombales du Titanic à Halifax.
MILLER
Donc, ces pierres étaient vendues comme du granit noir, mais n’en étaient pas...
CLARKE
Non. Si un de mes étudiants appelait ça du granit noir à un examen, je lui mettrais zéro. C’est un gabbro et sa composition minéralogique est très différente de celle des granits. Par ailleurs, sa couleur est beaucoup plus foncée.
MILLER
Cette pierre a donc plusieurs des propriétés uniques que vous recherchez.
CLARKE
Oui. Un des éléments qui doit correspondre est l’âge. Nous savons que les pierres tombales du Titanic remontent à 422 millions d’années, à 2 millions d’années près. C’est l’âge des granits noirs du sud-ouest du Nouveau-Brunswick. À mon avis, si nous en prélevions un échantillon pour le dater, il aurait aussi 422 millions d’années. C’est une des choses que nous devrons faire quand nous aurons une candidate sérieuse, que nous penserons avoir trouvé la pierre que nous cherchons. Les minéraux doivent correspondre également. Ce que les pierres tombales du Titanic ont d’intéressant, c’est qu’elles ne contiennent pas un ni deux, mais cinq minéraux noirs. C’est tout à fait inhabituel pour un gabbro. Donc, si cet échantillon n’en contient que quatre, ce n’est pas celui que nous cherchons. Je dois trouver une pierre qui contient de l’olivine, du clinopyroxène, de l’orthopyroxène, de la hornblende et de la biotite. Ce n’est pas une mince affaire.